Carole Mesrobian, présidente du PEN Club français et engagée pour la liberté d’expression, réagit à l’interview exclusive de Narges Mohammadi dans ELLE. Elle déplore le manque de mobilisation des autorités françaises pour la militante iranienne.
Par Lola Uguen
« C’est notre mission de faire entendre la lutte du peuple iranien. » Pour que les « gens du monde entier » soient « la voix des Iraniens », Narges Mohammadi est « prête à prendre tous les risques ». La militante et Prix Nobel de la paix a donné un entretien exclusif à ELLE ce jeudi 2 janvier sur ses conditions de détention et ses espoirs pour le mouvement « Femmes, vie, liberté ».
En France, les appels de Narges Mohammadi résonnent particulièrement. Le PEN Club français, défenseur de la liberté d’expression, milite pour sa libération. Cette association a permis à de nombreux écrivaines et écrivains de trouver refuge en France. Pourrait-il en être de même pour Narges Mohammadi ? Carole Mesrobian, la présidente du PEN Club, dénonce un manque de mobilisation des autorités françaises.
ELLE. Que vous ont inspiré les mots de Narges Mohammadi dans ELLE ?
Carole Mesrobian. Narges Mohammadi donne un exemple de courage et de dignité au monde entier. J’espère aussi qu’elle va tenir le coup. Il faut absolument qu’elle sorte d’Iran. On doit continuer à faire en sorte qu’elle soit visible, que le public la soutienne : c’est la condition pour qu’on réussisse à l’accueillir.
ELLE. Vous avez demandé à Emmanuel Macron d’intervenir pour sa libération dans une tribune au « Monde » en novembre dernier. L’exigez-vous toujours ?
C. M. Oui, bien entendu. Nous n’avançons pas du tout en France depuis le début du mouvement « Femmes, vie, liberté ». Il y a les médias, les journaux qui sensibilisent heureusement, mais je ne crois pas qu’on avance sur la scène politique française. Ni sur la scène internationale.
NARGES MOHAMMADI A DÉJÀ UNE ADRESSE EN FRANCE. QU’ATTENDONS-NOUS ?
ELLE. Le PEN Club français pourrait-il être son refuge ?
C. M. Au PEN Club français, nous relayons surtout la mobilisation, les communiqués et les actions du PEN Club américain. Quand il y a une situation comme celle-ci, c’est important d’agir ensemble. Quand Narges Mohammadi a reçu son prix Nobel (en 2023, N.D.L.R.), nous avons essayé qu’elle puisse être libérée et qu’elle puisse le recevoir. Je suppose et j’espère qu’elle sera accueillie plus facilement aux États-Unis, en Allemagne ou en Suède où les PEN Club ont plus de moyens. En France, nous sommes tributaires de petites subventions orientées vers nos actions pour promouvoir la littérature. C’est compliqué pour nous actuellement d’offrir un refuge. Il y a aussi plus de conditions administratives à rassembler – il faut un revenu, une adresse – que dans d’autres pays.
ELLE. Narges Mohammadi a pourtant de fortes attaches avec la France…
C. M. Oui, sa place est ici, je ne comprends pas qu’on ne soit pas davantage soutenu, que rien ne soit fait. C’est un scandale. Il existe des visas humanitaires, des statuts de réfugiés… D’autant que Narges Mohammadi a déjà une adresse en France [son époux Taghi Rahmani et ses deux enfants Alix et Kiani ont trouvé refuge en France, N.D.L.R.]. Qu’attendons-nous ?
Narges Mohammadi, vingt-six années en prison pour lutter pour les droits des femmes en Iran